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Michelin : quand la Voix du Client inspire un changement culturel


LES TÉMOIGNAGES CX LAB



Témoignage Michelin expérience client voix du client

Benoît Rengade, Voice of Customer chez Michelin, détaille les compétences nécessaires pour réussir dans les métiers de l’expérience client, partage les facteurs clés de succès et les pièges à éviter. Il nous fait aussi plonger au cœur d’une démarche qui fait vivre à son entreprise une transformation radicale de sa culture industrielle classique. Entretien avec le CX Lab.



CX Lab : Comment est-on amené à porter la Voix du client en interne ?


Benoît Rengade : Le job n’existait pas. Il est né d’une rencontre entre une conviction profonde et une expérience. La conviction, c’est celle que porte le Comité Exécutif. A partir du moment où la qualité de service devient un facteur déterminant de la décision d’achat, les services ne sont pas un coût, ils ont une valeur, et nous devons travailler pour devenir une référence en matière de services en écoutant nos clients. Mon expérience est pour l’essentiel dans les Ventes, et cela m’a amené à bien connaître nos clients, petits et gros. J’étais aussi très attiré par ce poste Voix du Client car il fait la part belle à la responsabilisation des employés. Un employé ne doit pas avoir à attendre une autorisation pour prendre soin de son client.


CX Lab : Quelles sont les compétences nécessaires pour réussir dans les métiers de l’expérience client ?


B.R. : Avant les compétences il faut des appétences !  Il faut être attiré par la qualité de service, la satisfaction des clients, la relation client et la relation en général. On s’aperçoit assez vite que les meilleurs relais et alliés des CX Managers ont cette passion de l’humain.

L’expérience client ne se résume pas au marketing. Elle implique un changement de processus de travail. Dans notre industrie, capter le retour du client à chaud et réagir vite au lieu de suivre des processus lourds est un véritable bouleversement. Il faut donc être patient et persévérant pour expliquer, convaincre évangéliser. Il est aussi nécessaire d’être très bon en communication, d’être un prophète capable de prêcher dans le désert, d’argumenter, de convaincre et d’entraîner l’adhésion. Enfin, il faut de bonnes capacités d’analyse car le sujet est beaucoup plus trapu qu’il n’en n’a l’air. Tout le monde pense avoir compris ce qu’est l’Expérience client, cela parait simple de prime abord, mais il faut creuser. Et plus on se penche sur le sujet, plus on s’aperçoit que ce n’est pas si simple. C’est un sujet complexe dont l’exécution doit être simple. Je donne souvent cet exemple des commerciaux, qui me disent tous : « ce n’est pas toi qui va m’apprendre la relation client. Les clients je les vois tous les jours ! ». Pourtant, lorsqu’on les met face à un retour client, on s’aperçoit que voir le client tous les jours, ce n’est pas forcément le comprendre. L’expérience client, c’est plus profond que cela.


CX Lab : Quelles sont les initiatives dont vous êtes le plus fier ?


BR. : Pour l’instant, nous en sommes encore au démarrage, il est donc un peu tôt pour faire montre de fierté. Cela dit, je crois que l’initiative Customer room a de l’avenir devant elle, car elle touche potentiellement toutes les parties de l’entreprise. Pour bien comprendre ce dont il s’agit, il faut connaitre les quatre étapes de notre approche CX : Listen, Act, Mobilize & Maintain.

La première étape, Listen, consiste à développer notre capacité d’écoute. Avec la seconde étape, Act, nous répondons aux problèmes des clients. La manière de prendre en compte le problème est aussi, voire plus importante que la résolution du problème elle-même. A ce stade, nous montrons à nos clients que les aider nous tient à cœur. La Customer room, c’est l’étape Mobilize : quand la front line demande de l’aide sur un sujet en s’appuyant sur un verbatim client, La Customer room réunit toutes les fonctions qui ont un impact sur le client, même quand elles ne le rencontrent jamais, comme par exemple les systèmes d’information. La Customer Room recherche une solution et formalise la réponse qui sera faite au client. Les sujets qu’elle traite sont le plus souvent complexes, et avec un fort impact sur la satisfaction client ; de plus, comme ils sont transverses, chacun pense que le sujet relève du périmètre du voisin, et ne se sent pas tenu de le résoudre. Prenons l’exemple d’un verbatim qui dirait : « vos conditions commerciales sont incompréhensibles ». Cela relève-t-il des ventes, du marketing, ou de l’administration des ventes ? Des trois, sans doute. Alors La Customer Room réunit tout le monde afin de trouver des solutions.


CX Lab : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?


B.R. : Démontrer immédiatement le ROI, montrer que le coût de la démarche est compensé par du business supplémentaire n’est pas toujours évident en B2B, car nous travaillons avec des intermédiaires (pour l’essentiel, nous vendons à un distributeur qui revend aux clients utilisateurs). Les clients perdus à cause d’une mauvaise expérience n’apparaissent pas dans les comptes… alors que les frais engagés pour les satisfaire y figurent !


CX Lab : Quels sont les facteurs clés de succès d’une démarche expérience clients ?


B.R. : Le premier facteur, nécessaire mais pas suffisant, réside dans le sponsorship du Comité Exécutif. Chez Michelin nous avons un Comité Exécutif profondément convaincu, qui connaît le sujet en détail et qui rayonne. Cela ne suffit cependant pas à changer une culture d’entreprise. Tout le monde voit en quoi Michelin doit changer, mais quand il s’agit de changer personnellement, c’est une autre affaire ! La patience et la persévérance, qui servent l’évangélisation, viennent donc en second. Tout le monde est convaincu de l’urgence à mettre en place cette transformation. Mais un changement culturel de cette ampleur est long à se mettre en place. Nous venons d’un monde du processus fondé sur le respect des faits, et nous allons vers l’écoute et l’empathie basées sur la perception. Nous passons de convictions industrielles fortes, résumées par le « bon du premier coup », à une culture où l’important est de répondre rapidement au client puis de corriger au fil de l’eau, en mode essai-erreur. C’est un vrai bouleversement.


CX Lab : Quels sont les pièges à éviter dans une démarche CX ?


B.R. : Pour Michelin, le piège le plus évident serait de se concentrer sur le processus là où il nous faut de l’écoute et de l’empathie, de faire du processus CX une fin en soi. Prenons l’exemple du Customer Effort Score « Est-il facile de passer une commande ? » Très rapidement, parce que nous avons une culture industrielle du processus, le CES devient un indicateur mondial, intégré dans un tableau de bord, avec des enquêtes trimestrielles. La tentation est forte de renvoyer un deuxième questionnaire au client avant même d’avoir pu traiter le feedback qu’il nous a donné lors de la première enquête. Cela l’agace, et le taux de réponse finit par chuter ce qui est à l’opposé du but que nous voulions atteindre. Autre piège, traiter les indicateurs CX comme des indicateurs financiers. Mais chez Michelin, on a déjà compris que ce sont des indicateurs tendanciels.


Le plus difficile, c’est l’excellence dans la durée.

CX Lab : Pouvez-vous citer une entreprise inspirante en termes d’expérience clients ?


B.R. : Oui : la MAIF. L’assurance n’est pas un sujet facile. Pourtant, à chaque fois que je les appelle, la réponse est excellente sur le fond et sur la forme. Trouver le numéro de téléphone est facile, les contacts ne sont pas cachés au fin fond du site. Je suis directement accueilli non par un robot, mais par une personne qui me connaît, qui ne botte pas en touche en me proposant de consulter le site internet, et qui me répond, vérifie mon email et m’envoie le document nécessaire dans la demi-heure qui suit. Le plus difficile, c’est l’excellence dans la durée, c’est d’être bon tous les jours. L’expérience MAIF n’est peut-être pas « waouh », mais elle est très agréable et ce, régulièrement. Il faut dire qu’ils s’appuient sur une expérience employé qui tient la mer.


Expliquer l’expérience clients aux japonais, c’est comme expliquer le tennis à Roger Federer

En tant que client, je peux aussi citer une expérience dans un Apple Store au Japon. Je suis arrivé avec un produit qui ne fonctionnait plus. C’était probablement de  ma faute. Le produit a été remplacé sans qu’on me demande de prouver quoi que ce soit ou de montrer ma bonne foi. Mais c’était le Japon. Apprendre l’expérience clients aux japonais, c’est comme apprendre le tennis à Roger Federer.


CX Lab : Comment voyez-vous l’expérience clients du futur ?


B.R. : Je crois que le BtoB va se rapprocher du BtoC avec une expérience facile, multicanale et personnalisable selon les besoins du client. Le client pourra par exemple aller sur un portail et choisir la manière dont il souhaite recevoir sa facture : papier, email… Dans notre industrie, je pense que nous allons vers une automatisation de tout ce qui est transactionnel et une humanisation de la relation. Le client qui le souhaite gardera un contact humain.



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